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Deux ans de Freelancing

Deux ans de Freelancing

Il y a un peu plus de deux ans, en octobre 2018, je démarrais ma nouvelle vie en temps qu’expert technique industrialisation et déploiement Freelance chez un nouveau client. Ceci, après 11 ans à avoir été en SSII et 5 missions par ce biais.

J’ai été salarié dans deux sociétés de service durant ma carrière. Quand celle-ci se résume, je n’ai pas réalisé beaucoup de missions après 11 ans, seulement 5 là où d’autres prestataires ont pu cumuler plus de postes différents. Il s’avère que ma carrière a été un rythme régulier de missions longues (3 ans+) et courtes (6 mois) en alternance, toutes en régie chez des clients. Ce parcours avait fini par me faire prendre conscience qu’au final, je ne connaissais pas mon employeur. Mes collègues de tous les jours étaient les employés internes de l’entreprise chez qui je prestais, ou bien les autres prestataires (qu’ils soient de la même société que moi ou ailleurs). Vers 2017, j’ai commencé à me demander quel était mon intérêt d’être salarié d’une entreprise qu’on me demande de représenter, mais pour laquelle j’avais toujours l’impression d’être un étranger.

En effet, mes interactions annuelles avec mon employeur se comptaient sur les doigts d’une main. Avec mon premier, ça se limitait à un entretien de carrière annuel et éventuellement des “soirées d’agences” un peu corporate où ça parle de comment va la boîte, la stratégie du moment, etc. Si je n’avais pas eu quelques collègues de la même entreprise à ces soirées, j’aurais eu l’impression d’être un total étranger ne connaissant pour ainsi dire personne. Ce fut un poil différent chez mon second employeur car celui-ci proposait un séminaire d’intégration passé la période d’essai pour présenter la culture d’entreprise. C’est le discours sectaire auquel on est vite habitué et qui donne l’impression de faire partie d’un tout, mais concrètement à part repartir avec un stylo et une sacoche au logo de la boîte, ça s’arrête là. J’ai essayé de m’investir un peu plus dans cette société en espérant avoir une certaine reconnaissance, mais je tombais dans le même biais : en étant en régie chez le client, j’avais bien plus de reconnaissance chez lui que chez mon employeur. Je n’étais pas non plus ignoré, mais j’avais toujours la même sensation qu’en dehors de quelques collègues, j’étais un étranger dans l’entreprise quand je venais aux bureaux pour un besoin administratif. L’idée de me mettre en freelance commençait donc à germer en se basant sur ces constats.

Vers fin 2017, j’ai eu des collègues sur ma mission du moment qui avaient les mêmes souhaits et ont fini par se lancer. De mon côté, j’avais toujours une certaine appréhension : est-ce que je saurais trouver moi-même une mission, est-ce que je saurais gérer une petite entreprise tout en pouvant faire mon boulot, la crainte de l’absence de mission et la perte de revenus associés. Pas mal d’inquiétudes, surtout que j’avais déjà une paire de collègues freelance dans l’équipe et ils nous avaient relaté ces quelques difficultés parfois. C’est alors qu’en début 2018, l’une des personnes de mon entourage ayant entreprit la démarche m’a fait rencontrer son porteur s’affaire. Celui-ci m’a expliqué le fonctionnement et surtout, m’a présenté le portage salarial. J’avais déjà entendu parler de cette notion sans jamais réellement trop comprendre comment ça fonctionnait.

L’explication fut très rassurante et soudainement beaucoup plus concrète que l’idée de monter son entreprise. Le portage salarial est un statut entre deux : le freelance n’est pas auto entrepreneur, il est salarié d’une société qui se contente de collecter le chiffre d’affaire du contrat commercial auprès du porteur d’affaires, prend une commission au passage, gère le versement des cotisation sociales et autres obligations patronale et salariales, puis verse au final un salaire net. Exactement comme n’importe quel autre salarié en CDI. Le porté ayant un statut de salarié, il cotise ainsi aux différents organismes sociaux et peut donc bénéficier du chômage ou des indemnités de la sécurité sociale en cas d’arrêt. Afin d’avoir différents points de vue, j’avais également pris contact avec d’autres sociétés de portage pour mieux connaître leurs méthodes et cerner les éventuelles différences.

Avec l’aide d’un tableau de simulation, le porteur d’affaire m’avait présenté une estimation de revenus basée sur le Taux Journalier Moyen (TJM) facturé au client. Le principe étant un jour facturé = un jour payé, les revenus sont un peu plus en dent de scie que pour du salariat classique, mais cela peut varier selon les sociétés de portage salarial. Certaines peuvent prendre une commission plus élevée et lisser les revenus en compensant les mois plus courts (typiquement février), d’autres non. Autre élément rassurant du portage salarial, j’ai été payé après mon premier mois de travail là où en auto entrepreneur, j’aurais été payé à ma première facture (donc potentiellement 2 mois après).

Avec ces éléments plus rassurants et une vision claire des choses, il me manquait plus qu’à trouver une mission. Je ne souhaitais pas rester dans mon actuelle car le projet se terminait et il n’y avait plus de charge. Quant à la mission sur laquelle je me transférais petit à petit, elle s’est avérée peu intéressante pour moi. J’ai alors joué au culot et fait quelque chose que je n’aurais pas imaginé faire auparavant : pris contact avec un chef d’équipe rencontré quelques mois avant dans le cadre d’une synergie entre deux clients pour lui demander s’il était toujours à la recherche de bras pour ses projets de migration et besoins d’industrialisation. En effet, lorsqu’il avait présenté à ce moment-là leur projet de transformation, je l’avais trouvé fort intéressant et ambitieux. Après un entretien à deux pour représenter le contexte et les enjeux, j’ai tout de suite dit oui et mis dans la boucle le porteur d’affaire chez qui je souhaitais aller. Le tout s’est enchaîné assez vite à la mi-2018 et j’ai posé ma démission dans la foulée, la machine était enclenchée.

Peu de temps après, nous faisons l’entretien commercial qui formalise le bon de commande et le TJM de la mission. La commerciale étant plus au fait que moi des barèmes pratiqués par le client, je lui avais laissé le champ libre en lui donnant mon seuil minimal, le taux obtenu était finalement au dessus de mes attentes. Ayant apporté ma mission, le porteur d’affaire a réduit sa commission sur la facturation. S’enchaîne ensuite la signature de mon contrat de portage salarial avec la société en question, auquel est adjoint l’ordre de mission établi pour le client. Enfin, la mission a démarré en octobre 2018 et j’y suis toujours.

Au final, je suis donc passé du salariat en CDI chez un employeur au portage salarial exactement de la même façon que j’aurais faite en voulant changer de société. Je me suis contenté de signer un CDI dont le salaire de base est indexé sur un minimum légal (le portage salarial étant très encadré légalement), complété par la rémunération issue de la facturation client. Ayant démarré en amenant moi-même ma première mission, j’ai également bénéficié d’une réduction des frais de mon porteur d’affaires.

Et depuis ? Et bien je vis ma carrière d’une meilleure façon que je l’ai vécue avant : je travaille principalement chez mes clients avec qui je créé des liens et obtient de la reconnaissance. Je ne ressens pas de pression d’un employeur qui me demande de fixer des objectifs ou d’être à 100% lui tout en étant à 100% pour le client. Je me contente de faire mon travail sans perturbations et la société de portage fait le sien en gérant la partie administrative de ma rémunération. J’ai même fait plus de suivis de mission en ces deux années que durant mes 11 ans de SSII. Le suivi est plus régulier et cherche avant tout à assurer la visibilité sur la mission et anticiper tout changement qui provoquerait une perte de revenus temporaires. J’ai également pu m’équiper pour mon activité en achetant mon PC de travail et le passer en frais professionnel (et au passage avoir un vrai outil de travail me concernant, sous Fedora, et non pas un énième PC Windows inefficace pour mes besoins). Les indemnités kilométriques pour mes trajets chez le client sont remboursés aux barèmes de l’URSAFF, apportant un intéressant complément de revenu me permettant de compenser une partie de la LOA de la voiture personnelle et de son coût d’entretien. Là où avant je touchais une quarantaine d’euro par mois pour ça.

Financièrement, le gain est évidemment important et se traduit pour moi par un salaire net qui équivaut au brut de mon ancien employeur. Concrètement, les revenus se calculent de manière assez simple : prenez le chiffre d’affaire chez le client, divisez par deux le mensuel, et vous avez le salaire brut. Mais il faut rester rationnel malgré tout et ne pas aller acheter une Maserati dès la première paie ! Prendre des vacances équivaut à une perte de revenus, les absences ou activités non facturées aussi. Il faut donc profiter de cette confortable rémunération pour mettre de côté afin de compenser les périodes sans activité. Mettre de côté aussi pour se payer des formations, car là il n’y aura pas d’employeur pour vous les financer. De mon côté, j’ai suivi deux formations depuis et celles-ci ont été avancées par ma société de portage qui me les a ensuite déduites de la masse salariale sur deux mois, ce qui faisait moins mal que d’une traite. Et accessoirement, de l’administratif que je préférais les voir traiter plutôt que moi-même.

Je continue de garder la tête froide car malgré le gros freinage provoqué en 2020 par la situation sanitaire, j’ai fait partie des chanceux qui ont pu conserver leur mission là où j’ai eu des collègues qui ont vu leurs contrats s’arrêter brutalement chez d’autres clients en raison de la coupure d’activité. Il faut garder en tête qu’un parachute et une confortable marge de sécurité financière est indispensable avec ce statut car la perte d’activité entraîne mécaniquement la perte de revenus. Même si en portage salarial on peut bénéficier du chômage, il faut éviter de compter trop dessus je pense. Pour ma part, j’ai conservé un niveau de vie similaire à celui que j’avais dans mon ancien emploi. Je considère avoir le même revenu et ainsi ça me permet de mettre de côté l’augmentation réalisée depuis mon passage ne portage (évidemment, je me fais quand même plaisir de temps en temps il ne faut pas se mentir). Là où je suis un peu plus rassuré, c’est que la pression des commerciaux des sociétés de portage n’est pas la même que ceux des sociétés de service. Ils ont intérêt à me retrouver une mission pour continuer de prélever leur commission, mais aussi pour me conserver en tant que porté. Car demain, rien ne m’interdit de signer chez un autre porteur d’affaire ! Là où en société de service, les commerciaux cherchent à placer pour éviter que le salarié en intercontrat ne soit un poids mort pour l’entreprise. Ayant été dans cette situation pendant un mois entre deux missions, je peux vous dire que j’ai bien ressenti cette impression d’être un boulet…

Bref, si vous qui lisez ce retour d’expérience êtes dans la même situation d’incertitude que je l’étais avant de basculer en portage salarial, que vous ne vous sentez pas spécialement bien dans une société de services, que vous vous sentez plus proche d’un client que d’un employeur, voici mon conseil.

Foncez !


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